Juger la justice
Combien de criminels au Maroc courent les rues pendant que des innocents croupissent dans des prisons? La question se pose puisque tous les rapports qui pleuvent de partout sur le Maroc, mettent la justice marocaine dans le box des accusés. A ce propos, un rapport du Département d’Etat américain rendu public le 28 février, est venu confirmer ce que ne cessaient de répéter des ONG nationales et internationales. Principales charges retenues contre cette justice: elle reste téléguidée par le pouvoir et minée par la corruption.
Certes, ces dernières années, le vaste chantier de «l’assainissement» de la justice au Maroc a été lancé. Il a même fait des victimes parmi le corps judiciaire. Mais, ce processus reste inachevé. Il a suffi d’une affaire comme celle des ouvriers des mines d’Imini (Ourzazate) pour que la réforme globale de la justice marocaine soit remise au cœur du débat au Maroc et même à l’étranger. Rappel des faits: Les mines d’Imini relevant de la Société Chérifiènne des Etudes Minières (SACEM) dont 42,99% des actions appartiennent à l’État sont entrées en novembre 2001 dans une phase de redressement pour pallier, semble-t-il, des «difficultés structurelles». Dans ce cadre, les responsables de ces mines ont tenté, en vain, de réduire les heures de travail, voire de compresser le personnel... Le désaccord sur le fond même de la crise a provoqué une confrontation directe entre des ouvriers et les décideurs. En conséquence de quoi il y eut des mouvements de protestation à répétition dont un sit-in qui s’était prolongé indéfiniment à cause notamment de l’inefficacité de l’intermédiation entreprise. Selon certains parmi les protestataires, le feu a été mis aux poudres le 15 avril 2004, lorsque les mines ont été prises d’assaut par une milice. Celle-ci aurait été poussée, sur fond de surenchère syndicale, à casser ledit sit-in par la violence. Il s’en est suivi la blessure puis la mort de l’un des assaillants connu pour ses antécédents médicaux. Et c’est ainsi qu’a éclaté le procès à travers lequel le procès de la justice marocaine est actuellement fait.
L’instruction de ce qui est désormais connu comme étant l’affaire des ouvriers des mines d’Imni a débouché sur une sentence fortement controversée: 10 ans de prison ferme pour le syndicaliste Mohamed Khouya, 10 ans à quatre ouvriers, deux mois de prison avec sursis et une amende de 1.000 dhs pour un autre ouvrier. Paradoxalement, il y aurait des témoignages sur l’évidence de l’innocence notamment de M. Khouya que la justice refuse toujours de prendre en compte. Toutes les accusations portées à l’encontre de la milice et de son ou de ses mentors ont été occultées… Résultat: la justice marocaine ne trouvera pas assez d’avocats pour se défendre contre ses détracteurs dans le monde entier qui se solidarisent spontanément avec les «victimes des mines d’Imni.